Marie-Agnes, maman de Mathilde née en 1999
Bonsoir, Dans mon cas personnel, je ne peux pas encore dire que la douloureuse nouvelle a fait place au bonheur car Mathilde n’a que 14 mois et j’ai du mal à surmonter même si ça va beaucoup mieux. J’ai très mal vécu sa naissance, pour plusieurs raisons j’étais en situation de grand stress ( mon mari absent, tout est arrivé très vite, puis une césarienne pas prévue, plus le bébé qui arrivait en siège etc … ) et quand on me l’a montré j’ai immédiatement vu la trisomie alors que je ne m’y attendait pas du tout. La pédiatre a attendu que mon mari arrive vers 21 heures, pour nous l’annoncer ensemble. On nous a dit qu’il y aurait une prise de sang pour faire un caryotype et qu’il fallait attendre 5 jours la confirmation. Pendant ces 5 jours c’était l’horreur, c’était en août et toute ma famille était en vacances. Mon mari ne pouvait pas beaucoup venir. Heureusement ma mère m’apportait tous les jours ma fille ainée sinon je ne sais pas ce qui se serait passé.Le mèdecin qui passait me voir tous les jours disait « on croise les doigts, madame … » alors j’espérais, mais derrière son dos les infirmières me disaient » n’espérez pas et faites-vous à cette idée. on ne prendrait pas le risque d’annoncer une trisomie si on en étais pas certains » et le lendemain le mèdecin me redisait « on croise les doigts … » et cela; pendant 6 jours pour avoir la confirmation de la trisomie. Dès la naissance, à l’annonce du diagnostic, je me suis sentie :
– coupable
J’ai dit à mon mari que « mon sang était pourri «
– en colère
Je suis en colère encore aujourd’hui et c’est difficile à canaliser car je ne sais pas exprimer exactement contre QUI je suis en colère.
– incomprise et seule
J’aurais voulu qu’on me réconforte mais parallèlement, TOUTES les réactions des gens m’énervaient car je ne savais pas exprimer moi-même ce qui aurait pu me réconforter. Quand je disais que mon bébé était trisomique, la plupart des gens me répondaient « ah bon ? ils ne l’avaient pas vu ? » et c’est une réponse que je pouvais pas supporter car cela voulait dire clairement que les enfants comme elle n’ont pas leur place sur la terre. A force d’entendre cette réponse, je suis devenue agressive, puis je me suis renfermée sur moi-même.
Je ne supportais pas que pour atténuer ma peine, on me dise « ça pourrait être pire … regarde telle ou telle maladie, c’est quand même plus grave … » car tout m’était égal.
– honteuse
Je n’osais pas prendre Mathilde pour conduire sa soeur à l’école, ni pour faire des courses. Je la cachais.
Tout se mélangeait dans ma tête entre l’image horrible que j’avais de la trisomie, et ce bébé qui se blotissait contre moi et que j’ai adoré au premier regard.
Au fil du temps, depuis 14 mois mon état d’âme est le suivant :
– je ne me sens plus coupable
J’ai pu discuter avec une généticienne qui m’a rassuré et qui m’a expliqué les choses. Il ne faut pas hésiter à consulter plusieurs généticiens différents si les réponses ne sont pas claires. – concernant la colère : je le suis toujours (presque) autant – je ne me sens plus seule, grâce à : – un prêtre qui m’a tendu la main pour me faire entrer dans un groupe de parole ; – grâce à Internet qui me permet de communiquer avec d’autres parents – grâce à une association de parents d’enfants T21 qui fait des réunions sympathiques de temps en temps – je ne me sens plus honteuse et je me moque du regard des autres. J’emmène Mathilde partout, y compris à l’école pour conduire sa soeur mais cela a été très difficile. J’ai encore un long chemin à faire mais le sourire de mes enfants est ma meilleure lumière.
Voici mon témoignage.
marie-agnès